Where the city sleeps | Bella

[HJ : Avec beaucoup de retard, j'espère que tu vas quand même apprécier ce ridicule petit post.... x) ]

Il faisait nuit. L'obscurité, comme un effrayant chapelet, tombait tout autour de lui ; épaisse, cotonneuse, infranchissable, elle recouvrait entièrement l'Allée des Embrumes et le Chemin de Traverse qu'il apercevait encore derrière lui. Dans la fraicheur désagréable d'une très étrange brume, le silence de la ruelle malfamée était parfois tâché par des murmures, des soupirs et des râles... Parfois des bruits de pas, comme les siens, désordonnés ; parfois un peu plus rapides.

Cela faisait quelques minutes qu'il marchait, seul, enveloppé dans une robe de sorcier miteuse et trop légère, qui avait le seul avantage de posséder une lourde capuche dont il s'était recouvert la tête. En dessous, il portait une tenue bien Moldue, mais sa préférence pour ce genre vestimentaire ne frôlait pas l'envie de suicide: vagabonder en solitaire comme il le faisait maintenant était déjà bien assez dangereux, il ne voulait pas en plus asticoter les dangereuses personnes qui rôdaient aussi ici...

Aaron Millers errait bien, en effet, dans l'Allée des Embrumes et si ce lieu était fortement déconseillé aux goguettes des gens normaux, il allait de soi qu'il n'avait pas de secret pour lui... Il n'était pas un homme normal, non ; il était un Auror... Il avait de vagues souvenirs de son après-midi au Ministère, quand on lui avait confié une sympathique mission qui consistait, si ses souvenirs alcoolisés étaient exacts, en une filature toute simple d'un petit escroc sans ambition. Il l'avait suivi dans le Chemin de Traverse et avait bifurqué comme lui pour atteindre la sinistre Allée des Embrumes.

Mais cela faisait un moment qu'il marchait, bien seul et bien saoul, et il avait admis que l'homme avait fini par le devancer - il était certainement loin, à présent. En fait, il n'avait pas vraiment envie de rentrer chez lui et sa gorge aride lui envoyait des signaux très clairs: il avait soif.

Son pas se fit plus lent, incertain. Il se redressa quelque peu et observa les alentours pour voir où il était arrivé exactement, mais la tête lui tournait, les images paraissaient floues. Il s'accouda à un mur, le temps de reprendre ses esprits, et constata qu'il s'était peu éloigné de la ruelle permettant de regagner le Chemin de Traverse. Il ne lui faudrait que quelques minutes pour atteindre le Chaudron Baveur et se commander un verre bien mérité.

Mais alors qu'il pensait cela, Aaron sentit une sorte de curieux frisson lui parcourir l'échine. C'était comme s'il s'était souvenu en un instant de l'endroit où il se trouvait et des risques énormes que cela comportait d'y traîner seul, alors que l'escroc qu'on est censé suivre a disparu depuis bien longtemps. La main massive de l'Auror se serra sur sa baguette, et il redescendit un peu plus la capuche sur ses yeux vitreux et rougis. Dans un chuintement presque inaudible, il se cacha dans l'ombre des murs sales de l'allée, qu'il rasa, sans honte aucune, le regard tourné en avant. Il n'avait pas vraiment peur : la rue était déserte et il n'avait que quelques pas à faire, à l'abri de cette obscurité moite et palpable qu'il associait aux Détraqueurs ; et de plus, il n'était pas franchement en état.

Bien malheureusement pour lui.

Encore une nuit à arpenter de long en large ce quartier des plus glauques. Bellatrix allait finir par le connaitre par cœur. Les ruelles sombres, les échoppes aux allures douteuses, les tavernes dont les occupants trop agars pour penser à autres choses qu'à leurs chopes ne voyaient pas ce qui se tramaient dehors. Quelque part tant mieux pour eux. Sans idiotes à trainer dans les ruelles, la sorcière avaient ainsi tout à son loisirs de remplir sa mission, tout aussi délicate qu'elle fut.

Le Lord l'avait convoquée quelques heures plus tôt, quand le soleil brillait encore. IL avait besoin de sa discrétion, et de sa confiance. Bella était rapide, efficace et sûre. Puis la sang pure ne rechignait jamais à la tache et ne posait jamais des questions. Si le Maitre voulait une chose IL l'aurait sans outre mesure. Voilà ce qui faisait d'elle une mangemort en haut de l'affiche. Et de ça, Madame Lestrange en était fière.

Sa mission n'était pas des plus complexes ni même des plus dangereuses, enfin tout dépendait si un pauvre malheureux tombait sous sa baguette, mais là le danger était pour lui. Non, il lui fallait approcher au plus près de façon efficace un nouveau venu au Ministère. Un sorcier ce disant de sang pur qui fut longtemps absent du pays. Il avait été une sorte d'émissaire pour le gouvernement dans les pays de l'est et il était revenu avec hâte, quand le Lord fut de retour, prônant l'envie de revivre dans son pays sous un jour nouveau avec enfin de vrais lois. Il avait gagné une place au sein des affaires internes du ministère. Cet homme était trop fort en bouche et cherchait trop à se faire remarquer comme étant le plus fidèle des partisans du Seigneur des Ténèbres. Mais le faire taire serait mal venu et une erreur selon le Maitre. De plus, il cachait une carte qui serait utile aux affaires du mage noir.

Le Maitre avait refusé que Bella le torture pour savoir où se cachait le précieux butin, non, un sorcier de sa trempe avait dû prévoir ce genre de chose. La sorcière se retrouva donc garde nounou de ce crétin, qui n'avait pas trouver mieux que d'habiter dans cette ruelle sordide.

Un bruit la sortit de la torpeur de la nuit. La sorcière s'en approcha à pas de loup. Un homme ivre titubait et s'aidait du mur pour ne pas tomber. La sorcière laissa échapper un souffle de mépris. Elle alla repartir quand...elle reconnut ce visage. Millers, un auror. Oh ils ne s'étaient jamais rencontrée, mais Bella avait ses entrées pour connaitre le visage de chacun de ses ennemis. Et si... Et si elle s'amusait un peu. Un auror en moins, Le maitre serait ravi.
Un regard mauvais s'afficha sur son visage. Un sourire en coin, elle s'avança vers lui.

"-Eh bien, qu'avons nous là? Une brebis égarée?"

La voix ennemie lui lança comme un coup d'électicité dans l'échine, qu'il tendit brutalement. Ses paupières lourdes s'affaissèrent quelques instants; le temps que son coeur se détende sous son torse et qu'il comprenne l'étendue du danger encore invisible, une sorte de signal d'alarme qui crispaient tous ses muscles. Il tourna la tête, repéra l'ombre parmi les ombres, et sous sa capuche pourtant bien épaisse devant ses yeux morts, son visage se durcit, sa mâchoire se contracta si fortement que ses dents en grincèrent.

Non... Non, ce n'était pas possible !

Une erreur ! Il faisait une simple erreur, se trouvait seul à peine quelques minutes dans la sinistre Allée des Embrumes, et c'était devant Bellatrix Lestrange qu'il se trouvait, la folle, la déchaînée, la fanatique Mangemort dont la torture d'Aurors pourtant éprouvés par l'entraînement avait laissé de sanglants souvenirs par-delà tout le Ministère... Et pas que des Aurors, bien sûr.

Son geste fut rapide ; d'ailleurs, bien avant de la reconnaître, sa main avait plongé dans sa poche et en avait tiré sa baguette magique. Il ne la visait pas, toutefois. Pourquoi faire ? Saoul comme il l'était, il se serait jeté un sort à lui-même, et puis, s'il le pouvait, il préférait fortement éviter le combat avec une sorcière aussi dangereuse qu'elle.

Un moment de silence suivit la déclaration mauvaise de Bellatrix, moment où il s'achoppa par le dos au mur derrière lui; comme un soutien, un rempart. Il ne savait pas quoi faire, se sentait piégé, traqué, et peu à peu, l'évidente conclusion de cette entrevue lui apparut avec une clarté effrayante. Le duel, après tout, semblait inévitable.

Il se redressa, parce qu'il n'aurait pas supporté que cette hystérique le prenne à agir comme un couard, lui, le Gryffondor, et poussa même l'audace à faire un pas vers elle. Juste un. Parce que pas très loin, à juste quelques mètres sur sa droite, l'artère principale du Chemin de Traverse lui apparaissait. Il était si proche, si proche.. ! Qu'il était pitoyable de mourir comme ça...[i]

- " Bellatrix Lestrange... Quel honneur..." [i]souffla Aaron de sa voix rocailleuse.

Il n'avait pas cherché à masquer l'ironie de sa phrase, car après tout, il pensait avoir raison. Il n'aurait jamais pensé se trouver face à elle; et c'était dire ses nouvelles ambitions d'Auror du Ministère ! Les Mangemorts étaient réservés à l'élite, aux agents jeunes et forts avec du sang bouillonnant de courage et de dévouement dans les veines, et pas de l'alcool rance qui faisait tournoyer ses pensées. N'importe quel autre Auror se serait déjà jeté sur elle comme une furie, parce que sa jolie tête ébouriffée se trouvait récemment sur pas mal d'avis de recherche, qu'elle était considérée comme une proche partisane de Voldemort et de surcroît extrêmement dangereuse... Mais, ah, le Ministère était corrompu de l'intérieur, n'est-ce pas...? Ca n'avait pas échappé à Aaron.

Il balaya du regard la rue dans laquelle ils se trouvaient maintenant face à face. Pas un chat, pas une silhouette, rien. Il pouvait presque sentir l'aura lugubre de la ruelle et les présences tapies derrières les rideaux miteux des bâtisses environnantes, mais rien ne pouvait l'aider.

Il redressa un peu la tête, mais son visage demeurait toujours dans l'ombre. Sa baguette se tendit, pointée vers la Mangemort.

- " Je suis un peu pressé, tu sais..." marmonna-t-il, indiquant d'un geste de la tête l'embouchure du Chemin salvatauer, comme s'il voulait la congédier.

Oh, peut-être que ça marcherait, non ? Il n'avait pas envie de se battre - quoique s'il le fallait vraiment, il était prêt à s'escrimer jusqu'au bout pour emporter un petit morceau de Madame Lestrange avec lui - et son interlocutrice devait bien le ressentir. Ca ne le mettait pas hors de danger pour autant, mais il espérait que la baguette qu'il pointait fermement vers la poitrine de la sorcière serait un barrage provisoire. Et s'il transplanait...?!

Dans sa tête, il se murmura la formule du sortilège de Bouclier. Juste au cas où...

Le rire de Bellatrix fendit le silence qui régnait dans la ruelle. Un de ces rires moqueurs et démoniaques. Que les aurors étaient comiques et trop emprunt d'assurance. Vraiment, celui là, il lui plaisait. Le coup du type pressé, on ne lui avait jamais fait. C'était osé.

Cela n'avait pas échapper à la mangemorte que l'intrépide auror trifouillait quelque chose avec sa baguette. Peine perdue pensa-t-elle. Déjà qu'en temps normal, d'un sort elle le balayerait comme un château de carte, alcoolisé comme il semblait être la tache serait d'autant plus facile. Mais ne parlons pas de ça maintenant. Bellatrix était d'humeur joueuse maintenant, une chatte devant une souris. Prête à la faire passer d'une griffe à une autre.

"-Pressé..hmmm, quel dommage, moi non. Et je ne compte pas laisser filer à si bon point un jeune auror apeuré, seul dans un tel lieu. Une mauvaise rencontre est si vite arrivée..."

Ironie quand tu nous tiens. Quoiqu'il en soit, la sorcière s'avança, continuant à tapoter sa baguette sur sa main.

"- Le Ministère va si mal pour laisser sa garde se fourvoyer dans les tavernes de bas étage? Ou bien ta condition d'auror au service de ce pantin désartibulé te donne peine à en boire?"

Question dont elle se moquait bien sûr de la réponse, mais un peu de compassion, permettait toujours une baisse de garde à un moment ou un autre et là, elle s'y engouffrerait comme une vague pour tout détruire sur son passage.

Aaron fit quelques pas de côté. Pas par peur, non, mais pour garder bien en vue Bellatrix qui s'était furtivement avancée vers lui d'une démarche féline en réduisant considérablement l'écart qu'il y avait entre eux. Son rire glacé, bien qu'il s'y soit attendu, l'irrita plus qu'il ne l'avait d'abord imaginé, et Aaron eut un geste dédaigneux de la tête, comme s'il rejetait quelque chose. Ses jointures blanchirent tandis qu'il crispait sa main droite tatouée sur sa baguette noire.

- " Trop aimable..." marmonna-t-il en réponse à la prétendue prévention de la Mangemort.

Si ses oreilles expertes (ou pas) avaient bien entendu, elle l'avait appelé "jeune Auror", et Aaron ne put s'empêcher de sourire d'un air moqueur. Soit elle était aveugle, soit très ironique, car même vêtu de cette encombrante cape qui masquait sa silhouette et son visage, son port un peu avachi, sa voix profonde et meurtrie ne laissaient aucun doute quant à son âge. Décidément, cette Lestrange était très énervante en plus d'être folle.

La déclaration suivante de Bellatrix concernant le Ministère et son taux d'alcoolémie le ramena brusquement sur terre. Il prenait peu à peu pleinement conscience de sa situation, et déjà une fine pellicule de sueur perlait sur son front brun. La boisson, qui avait écarté les doutes, la confusion et la conscience semblait s'effacer devant Bellatrix, égérie des Mangemorts et symbole éclatant de la réalité du danger. L'illusion disparaissait derrière le visage aux lourdes paupières, pourtant pas si laid que ça, et Aaron se rendait compte qu'il allait peut-être mourir ici.

Il déglutit. Silencieusement, dans sa barbe, effectuant toujours quelques pas de côté comme si lui et Bellatrix exécutaient une sorte de ronde, l'un en face de l'autre. Le tempo lancinant de son coeur meurtrissait ses côtes et son torse, mais il fallait qu'il tienne, qu'il reste droit et fier, au moins jusqu'à ce qu'un duel soit lancé.

- " Je crois que tes amis et toi êtes déjà au courant de la situation au Ministère, nan ?" railla l'Auror d'un ton brutal. "Et je pourrais au moins savoir comment tu me connais, ou au moins pourquoi est-ce que mes soirées dans des tavernes de bas étage t'intéressent tant ? Tu devrais être plutôt heureuse."

L'entretien qu'ils menaient commençait à l'agacer. Aaron avait du mal à supporter cette tension qu'il sentait suinter de tout côté, et il aurait aimé que tout se déroule un peu plus vite. A son humble avis, le temps des discours et des moqueries d'adolescents étaient déjà révolus.

- " Mangemort , " argua Aaron de la même voix sèche et impérieuse, " fais ce que tu as à faire maintenant mais ne joue pas avec moi. Je crois que nous avons passé l'âge."

[Bon si y'a quelque chose qui ne te plait pas, MP moi et je modifierai, je me suis permise de te faire bouger. mais je peux changer]

Bellatrix se stoppa net, une moue boudeuse sur son visage. Elle pencha la tête sur le côté tout en continuant de tapoter sa baguette sur sa main. La déception se lisait sur son visage, du moins une parfaite imitation.

"-Oh, le petit chat ne veut pas jouer. Le joli petit minois devient méchant et exige. Ça ne va pas du tout. Il va falloir apprendre à être polie avec les dames."

D'un geste négligeant de la main, elle abaissa sa baguette sur le jeune homme et le força grâce à un sort à s'agenouiller devant lui. L'audace des aurors, leur tempérament à toujours se croire tout acquis par ce simple titre honorifique que leur procure le Ministère. Mais le Ministère, c'était le Lord à présent, donc elle par extension. Même si le raccourci était un peu facile.

Quoiqu'il en soit, la mangemorte n'allait pas laisser cet imprudent et ce mal appris lui parler de la sorte.

"- Sache que ton cas ne m'intéresse pas. Pourquoi devrait-il en être autrement? Mais je vais te donner une faveur en répondant à ta question. Je te connais, car je connais chaque membre qui compose notre cher et tendre enceinte de pouvoir.
Aaron Millers, jeune auror de son état, brillant, mais les vieux adages sont difficiles à défaire, n'est-ce pas? "

Elle leva le sort comme elle l'avait apposé. La sang pur pouvait sentir sa peur mélangée à une envie de faire preuve de courage, un parfait gryffondor. D'autres seraient déjà morts bien avant avoir pu lui ouvrir la bouche. Pourquoi, lui pouvait à présent se relever devant Bella? Eh bien, elle sentait en lui une envie de vaincre, une rage contenue qui pouvait se libérer. Une rage que Bellatrix Lestrange appréciait. Elle voulait voir simplement s'il ne flancherait pas, s'il pouvait faire preuve d'intelligence. Son état second, le cadet des soucis de la mangemorte.

"- Comment comptes-tu défendre notre beau et magnifique monde dans cet état pitoyable?"

Faisait-elle du social? Détrompez-vous, elle en avait cure. Mais elle devait apparemment faire fit de ses propres adages et suivre une conduite plus douce quand à ceux qui composait l'essentiel de la population sorcière et en particulier des membres du Ministère.

[HJ : Aucun problème Bella ! Ton post est parfait, vraiment ! Et puis, ce n'est pas si étonnant que Bellatrix arrive à toucher Aaron, ça paraît même logique ! J'espère que ma réponse te plaira, elle me paraît un peu longuette et j'en suis désolé ]



Aaron était très fier d'avoir réussi à faire disparaître le sourire de Bellatrix. Un rictus torve s'afficha d'ailleurs sur ses propres lèvres, gercées et mordillées. De nouveau, quelques pas de côté, pour continuer cette ronde insensée qu'ils formaient tous les deux, et son bras qui s'enroule, la baguette tendue, avec beaucoup plus de fermeté, de conviction; comme si Aaron, soudain, s'était senti capable de tenir tête à la Mangemort numéro 1.

Et puis, en une fraction de seconde à peine, Bellatrix montra sa supériorité. Il avait à peine eu le temps de voir son poignet tournoyer qu'il sentit ses genoux pris d'une drôle de faiblesse. Ses jambes se dérobèrent sous lui et il s'effondra devant Lestrange dans une totale incompréhension.

Pour s'éviter la honte de soutenir le regard victorieux de Bellatrix, Aaron garda la tête basse, les plis de sa capuche masquant le haut de son visage. A cet instant, l'Auror était persuadé qu'il allait mourir, comme ça, à genoux dans l'Allée crasseuse des mages noirs, de la main de cette Mangemort qu'il avait fait le serment de traquer. Il n'avait pas peur, pourtant. Ses mâchoires contractées comme celles d'un molosse, ses épaules tendues, sa main armée lâchement baissée vers le sol et secouée de tremblements de colère, il se sentait simplement vide. Et furieux contre lui-même. Ainsi, sa vie maudite s'arrêterait ici... Il aurait pu connaître pire. Même s'il n'avait plus vraiment le temps pour les regrets, il ne pouvait empêcher le sentiment de dégoût que lui inspirait son propre échec, ce maléfice qui le forçait à rester à genoux - à genoux ! lui ! - devant cette Mangemort, cette femme... Cette ennemie.

Mais la mort, si proche, ne vint pas. Sa respiration continuait de faire frémir sa capuche, son coeur continuait de battre sous son torse, il ne rêvait pas.

"- Sache que ton cas ne m'intéresse pas. Pourquoi devrait-il en être autrement? Mais je vais te donner une faveur en répondant à ta question. Je te connais, car je connais chaque membre qui compose notre cher et tendre enceinte de pouvoir.
Aaron Millers, jeune auror de son état, brillant, mais les vieux adages sont difficiles à défaire, n'est-ce pas? "

Incrédule, il sentit le sortilège lancé par Bellatrix se dissiper. Il se releva immédiatement, sentant ses muscles endoloris, ses genoux enkylosés, mais ne pointa pas sa baguette vers Bellatrix. Il ne savait pas pourquoi cette dernière l'avait libéré, pourquoi elle lui laissait - pour le moment, en tout cas - la vie sauve. Avait-elle envie de jouer, de s'amuser avec lui ? Une nouvelle vague de colère et de frustration le gagna à l'entente de ses sarcasmes, et il lui jeta un regard écoeuré. Encore une fois, elle utilisait l'adjectif jeune pour le décrire... Etait-ce vraiment de l'ironie, ou cette femme, qui était son aînée, qui n'avait certes plus rien à prouver, le considérait vraiment comme tel ? Encore une fois, Aaron avait des doutes sur ses paroles. Si jamais son imagination malade avait formé l'idée de se retrouver face à Bellatrix Lestrange, il n'aurait jamais pensé qu'ils tiendraient ainsi une conversation presque polie mais plutôt qu'il mourrait au bout de quelques minutes...

Il ne répondit rien. Qu'aurait-il pu dire ? Il ne se sentait plus brillant, plus jeune, même plus Auror, à vrai dire. Dans son esprit, une pensée pernicieuse vint creuser son chemin, et il se tendit un peu plus. Si elle ne le tuait pas, comme il était pourtant persuadé qu'elle le voulait, c'était peut-être parce qu'elle avait... besoin de lui ? Voulait-elle des informations, des secrets ministériels ? Aaron se rembrunit, toujours en silence, car il n'était pas certain d'avoir la force de protéger tout cela... Il se demanda avec une certaine amertume si sa vie valait plus que ces renseignements, mais ne trouva pas la réponse.

"- Comment comptes-tu défendre notre beau et magnifique monde dans cet état pitoyable ?"

Aaron plissa les yeux de colère. Cette folle jouait avec ses nerfs... L'alcool dans ses veines accentuait la sourde fureur qui le gagnait comme un poison, et la haine, sentiment si commun, se lisait clairement sur son visage. Il comprenait bien son jeu, cette envie de mettre en doute sa position au Ministère, ses capacités, son travail. Il ne voulait pas lui donner cette satisfaction, et même si ce geste ne l'avait pas protégé d'un maléfice auparavant, il la menaça de sa baguette magique.

- " Un état pitoyable ? Mais qui es-tu pour me juger ? Tu as beau connaître mon nom, mon visage et mon poste, tu ne sais rien de moi !" grogna Aaron d'une voix malhabile. "Je me fous de ce "beau et magnifique monde"."

Quelques étincelles rouges et or sortirent de son arme, sans qu'il ne le remarque. D'un geste agacé de la main, il abaissa sa capuche sur sa nuque, révélant son visage en son entier, ses traits tirés, ses plis soucieux au front et ses rides prématurés, ses cheveux grisonnants, son air effrayant de colère. Il voulait, presque consciemment, lui montrer quel Auror il était, quel homme aussi, lui prouver qu'avec lui, elle ne gagnerait rien puisqu'il n'était même pas dans un camp, ou dans un autre... C'était ainsi très ironique qu'elle tombe sur lui; lui qui n'était qu'un pion inutile dans cette guerre.

- " Et toi, penses-tu défendre ton cher Maître, comme ça ? En faisant la conversation avec les Aurors brillants, dans un état pitoyable ?" Sa voix s'était faite plus forte, il lançait comme un défi. "Tu es plus pathétique que moi, Lestrange ! Tu as plus à perdre, aussi..."

Peut-être comprendrait-il alors qui il était... Il pouvait presque avoir de l'intérêt, maintenant, n'est-ce pas ? Un Auror à la loyauté vacillante... Mais il ne se rendait pas encore compte de cette énorme erreur... Il ne pouvait tenir sa langue.

Et, dans une inspiration dictée par son état nerveux, il dressa sa baguette et s'exclama, avant d'avoir pu le regretter :

- " Stupéfix !"

Mais c'est que le petit auror avait du répondant face à la sorcière. Et voilà tout à fait le genre de chose que Bellatrix Lestrange appréciait. Avoir quelqu'un en face d'elle digne de sa baguette. Se battre, tuer ou torturer des sorciers à peine capable de saisir un bout de bois entre les mains allait un temps, mais devenait trop routinier, presque lassant.
Non la sorcière aimait quand il y avait un peu de punch, d'action, un adversaire en face d'elle, pas un pantin à qui il fallait presque enseigner les sorts. Mais hélas il y avait que trop de ce genre de personne. Et la mangemorte en souffrait.

Tout son beau discours ressemblait à du blabla pour la sorcière. Mais quand diable changeraient-ils tous de disque. Ça en devenait lassant. La pensée sorcière n'était-elle que commune et rien d'autre. Il avait si bien commencer. Comment pouvait-il finir sur une aussi mauvaise note? Ra les aurors, ce n'est plus ce que c'était!!

La preuve. Son stupéfix. Bella aurait dû parier qu'il aurait lancé ce sort. Désarmer. Ne pas attaquer. Le stupéfix, l'arme des aurors. Elle ne les aimait pas pour ça. Ils n'avaient aucune envergure, aucun cran. Rester à la petitesse de désarmer. Ra que diable!! Ils étaient des aurors, des militaires, des agents prêts à risquer leur vie pour celles des autres. Mais que faire face à un stupéfix. Même sans sa baguette, Bella pouvait agir et lui causer du tord. Certes, non pas par sa force physique, mais sa force mentale et sa magie qui ne résumait pas à sa simple baguette.

Même si sa baguette lui glissa un peu des mains, ce qui l'a mis en colère et renforça son idée qu'elle commençait à faiblir et avoir moins de réflexe, la mangemorte garda son aplomb et continua à le darder du regard.
Elle ricana, un rire à vous glacer le sang. La folie jaillissait se ses yeux.

"- Que veux-tu faire avec ton joujou? Me désarmer? Me faire plier? Ro le gentil petit auror devrait plutôt se demander comment faire pour se sortir de mes griffes? Mais je vais te le dire comment? Si tu es capable d'autre chose que d'agiter ta baguette en l'air sans autre volonté que de rentrer chez toi."

Ah oui, Millers lui plaisait. Ce côté un peu rude, cette faiblesse et ce côté bourru. Il avait de quoi en faire un beau pion sur son échiquier. Mais avant elle devait s'assurer d'une chose.

"-Mais pour cela, il va falloir donner un peu de toi. Ta vie sauve contre un peu de toi? Changer ta vie de misère contre un peu d'aventure."

Bella n'attendait pas de réponse. Positive ou négative. Il n'avait pas le choix.